« L’histoire que nous avons en commun est belle, rebelle et cruelle » La première visite officielle du Président français François Hollande au Sénégal était très attendue. Et son discours à notre pays aussi. Et bien le discours de François Hollande est à la hauteur de nos espérances car c’est un discours fort, un discours du 21ème siècle qui propose un futur d’humanité et de respect.
Si on analyse le schéma du discours de François Hollande, on peut constater que l’on est sorti du regard paternaliste que porte trop souvent encore l’occident à l’égard de l’Afrique et des Africains. Il n’y a aucune suffisance française dans le ton de François Hollande mais une vraie conception intellectuelle qui place l’Afrique comme partie intégrante de l’humanité.
François Hollande met en lumière notre partage commun, celui de la langue, cette francophonie qui nous rapproche et dont nous pouvons être les porteurs de messages ensemble avec une association d’égal à égal. Il souligne aussi notre histoire souvent douloureuse dont il veut laver les outrages, les douleurs et dont il veut honorer la mémoire. A Gorée, il veut s’incliner devant ces hommes, ces femmes, ces enfants qui ont été massacrés par la traite négrière et par l’esclavage.
C’est un geste puissant, symbolique de la repentance, de respect et de fraternité humaine. Il dit que l’on doit perpétuer la mémoire de l’esclavage, nommé crime contre l’humanité, en poursuivant l’enseignement de son histoire dans les écoles de France et partout ailleurs. Il dit encore que le devoir de la France est de rendre les archives du massacre du camp de Thiaroye en 1944.
Il rend hommage aux combattants sénégalais des deux guerres mondiales qui ont versé leur sang et libéré le monde du joug allemand. Il rappelle le travail de Blaise Diagne pour l’Etat français, celui de Léopold Sédar Senghor, rédacteur de la constitution française de la 5ème république, celle là même qui lui permet d’être proclamé chef de la nation française. « Je m’inclinerai devant l’histoire et je m’engagerai pour la dignité humaine partout où elle est blessée ».
François Hollande ouvre ici les portes d’une réconciliation, d’une belle fraternité, avec des idées justes, généreuses, en toute humilité, sans se poser en modèle ni en donneur de leçon. On est loin, très loin du discours de Nicolas Sarkozy en 2007 à l‘UCAD, qui proclamait une leçon civilisatrice, ethnocentrique, eurocentriste, rappelant ainsi les discours des théoriciens racistes du 19ème siècle. François Hollande se démarque, infligeant une rupture dans l’histoire politique des relations entre la France, le Sénégal et l’Afrique en portant une vision qui rend justice.
Il souligne le respect mutuel qui existe entre nos deux peuples, les convictions qui les rassemblent, les combats contre la corruption, contre l’injustice sociale à mener côte à côte. Tous les éléments de son discours rapprochent les hommes pour une lutte universelle : celle de la justice, de la fraternité et de la dignité. Il propose encore d’assouplir les formalités administratives pour faciliter la circulation des étudiants et des artistes sénégalais en France. Car le partage c’est aussi cela, encourager les échanges pour faire tomber les murs de l’ignorance et pour défendre la connaissance.
Il indique de manière précise la fin de la Françafrique. « Il y a la France, il y a l’Afrique et ce sont des partenaires pour le développement ». Le discours de François Hollande est un hymne à l’Afrique. Il dit que l’Afrique est « la terre d’avenir du monde » en soulignant son formidable élan démographique, sa jeunesse qui aura à jouer une part importante dans le développement mondial, ses richesses naturelles, ses potentiels humains immenses mais en rappelant que c’est aux Africains, et à eux seuls, de prendre en main leur avenir. Le choix des mots de François Hollande et le champ lexical utilisés sont ceux de l’espoir, du respect et des potentiels du continent.
François Hollande rompt avec l’afro-pessimisme en saluant l’exercice démocratique du Sénégal et sa formidable avancée avec une assemblée nationale constituée dans une réelle parité homme/femme, comme un exemple pour la France et pour le monde. Oui, le discours de François Hollande, marqué d’un nouvel humanisme, est un discours de reconnaissance et s’engage sur la voie de la Renaissance Africaine. « J’ai confiance car l’Afrique est en marche », dit-il encore.
Bien sûr ce grand discours du Président français devra être soutenu par des actes et nous en attendons beaucoup mais c’est à nous d’en mesurer la portée pour engager notre vitalité et mettre en œuvre notre émergence. Les valeurs universelles portées par François Hollande mettent en lumière l’importance de l’homme tout court, sans distinction d’appartenance. Défendre la justice, l’équité, la dignité humaine n’ont pas de couleur, n’ont pas de pays, ces actes sont absolus et c’est ensemble que nous devons relever le défi.
Lorsque j’entends parler François Hollande, en tant qu’homme, je ne vois pas l’homme blanc, le chef d’Etat français, j’entends un homme qui me parle des valeurs essentielles que tous nous devons porter et qui doivent nous transporter dans des ciels de créativité et d’une humanité debout. Fini les discours épidermiques, réducteurs, destructeurs où nous dirions que la seule cause de notre échec est l’homme blanc. Fini d’infantiliser l’homme noir le croyant incapable d’affronter ses responsabilités. Le temps est à la lucidité, à l’honnêteté et à la redécouverte de notre identité.
Le discours de François Hollande, en rupture totale avec les liens de dépendance de vision unilatérale qui ont jalonné notre histoire, est un discours d’égal à égal, « épaule contre épaule ».
François Hollande s’adresse aux hommes, à tous les hommes dont nous sommes, des hommes dignes et responsables de l’avenir du 21ème siècle et de l’Afrique.
Amadou Elimane Kane, poète écrivain, enseignant chercheur et fondateur de l’Institut Culturel Panafricain de Yene kaneamadouelimane@yahoo.fr
Article publié sur Seneweb le 22 octobre 2012